Le pari était audacieux. Organiser un festival international dédié au Slam, dans un pays où les acteurs de cet art oratoire se battent depuis plus de 10 ans pour se faire une place dans l’espace culturel et artistique du Cameroun et conquérir un plus grand plaisir. L’initiative des organisateurs du festival international SLAMEroun était surtout salutaire. Il intervient dans un contexte sociopolitique tendu au Cameroun, notamment par le conflit armé qui sévit dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, les deux régions anglophones, par la menace terroriste de Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord et suite à l’incarcération des militants du Mouvement de renaissance du Cameroun (MRC) et de son président national Maurice Kamto, candidat malheureux à la présidentielle d’octobre 2108. En outre, on observe également une montée en puissance depuis plusieurs mois d’un discours de haine tribale sur les réseaux sociaux et dans certains médias.
Face à tous ces aléas qui mettent à mal la paix, le vivre ensemble et l’unité du Cameroun, le festival SLAMeroun a été un carrefour des vécus, un espace d’expression où les slameurs camerounais, affectés par la situation que traverse leur pays en ce moment, ont dénudé leur âme sans se dévêtir, et ont slamer avec ferveur afin de guérir le Cameroun de ses maux par la poésie. Au Goethe Institut ou encore à La Case des Arts en passant par le musée La Blackitude, les slameurs camerounais, soutenus leurs collègues venus d’autres pays africains, ont dans leur texte dénoncé en public les injustices, encouragé le vivre-ensemble, véhiculé des messages d’unité nationale et appeler au dialogue afin de mettre un terme à la crise en cours dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Le slameur Yasser le Prince Noir par exemple, a fait résonner haut et fort sa voix à l’Institut Goethe pour plaidé pour une assistance aux populations des régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest pris au piège entre les balles des sécessionnistes et de l’armée nationale. Dans son texte « Fotokolofata », la slameuse Dark Spirit est s’est attardé sur la souffrance et l’horreur que vivent les populations de l’Extrême Nord, victime des attaques du groupe terroriste Boko Haram. « Des populations qui vivent l’enfer et notre devoir est de faire connaître ce drame afin qu’on ne les range pas dans le tiroir de l’oubli », a déclaré Dark Spirit.
Les femmes étaient bien représentées à ce festival et porteuses de messages forts. Les slameuses Mériem d’Algerie, Huguette Izobimpa du Burundi, Lydol et Dark Spirit du Cameroun, Djemi du Tchad ou encore Fatou Sanogo de la Guinée, se faite les porte-paroles de la gente féminine. Elles ont dénoncé dans leurs textes les violences faites aux femmes par les hommes qu’elles ont mis au monde, le sexisme dont elles sont victimes et ont fustigé le silence coupable de la sphère publique face aux horreurs que subissent de nombreuses femmes en Afrique. Les textes de ses amazones laissaientapparaître la colère, ils racontaient l’incompréhension parfois, mais surtout l’espoir, l’instinct de survie, la foi en l’avenir.
Le festival SLAMeroun s’est achevé sur une note d’espoir. L’espoir de voir le Cameroun guérir de ces maux grâce aux mots et redevenir ce havre de paix qu’il était par le passé. « Il faut qu’on se parle et qu’on se pardonne, nous avons vraiment besoin d’un climat de paix”, a déclaré Faithfull, directeur du festival. Selon lui, c’est la raison pour laquelle le thème de cette année a été choisi pour “mettre la jeunesse camerounaise au cœur de cette quête de paix et de stabilité”.