Vêtu d’une veste grise et caché derrière un masque qui couvrait presque entièrement son visage, je ne savais pas de qui il s’agissait. Il m’a reconnu de loin car le mien ne se limitait qu’à mon nez comme tout bon masque porté en ce moment de la Covid-19. Arrivé à son niveau il m’a appelé en prononçant mon nom ; il m’a fallu quelques secondes avant de reconnaitre le jeune homme. Il s’appelle Mathias, nous nous sommes connus il y’a quelques mois lors d’un atelier sur le digital que j’animais. Il est étudiant à l’université de N’Djamena.
Il était environ 10h du matin ce mardi 26 mai. « Où vas-tu sous cette chaleur ? » Sans répondre à ma question il regardait de gauche à droite, me faisant signe de la main de le suivre à l’écart, un peu plus loin de la rue. J’ai voulu lui tendre le coude en guise de salutation (comme c’est le cas désormais en cette période du coronavirus), mais il n’a pas réagi à mon geste ; alors nous sommes restés loin l’un de l’autre. Il lâche d’un coup, la gorge nouée : « J’ai été testé positif au coronavirus ».
A cet instant précis, j’étais perdu, sans mot et pour tout et en tout, j’ai lancé : « Mince ! », sans m’en rendre compte ou du moins je n’avais rien d’autre à dire. Il transpirait à grosse gouttes… il a poursuivi : « C’était le 11 avril dernier. J’ai été mis en quarantaine, et ai eu normalement de traitement à l’hôpital de Farcha. Le 27 avril j’ai été libéré parce que je suis guéri complètement de la maladie. Une fois rentré, c’est l’enfer. Je suis rejeté par tout le monde, par mes parents, mes amis et même le bailleur m’a renvoyé de la maison. Quand je passe dans le quartier, les gens crient après moi : ‘’Coronavirus, corona, corona…’’ ». Je suis resté là, sans mot, impuissant. « Je suis allé voir un pasteur d’une église au quartier Abena pour demander s’il pouvait accepter que je dorme dans l’église, puisqu’en ce moment les lieux de cultes ne sont pas en activité. Après avoir vu mon certificat médical attestant de ma guérison, il a accepté que je dorme à l’église ».
Mathias a sorti les papiers d’une enveloppe pour me montrer la preuve qu’il n’est plus malade de la Covid-19 et m’a autorisé à les photographier. Il s’agit en effet d’un bulletin indiquant les divers tests effectués ainsi qu’une attestation de sortie dûment signée par un médecin mentionnant qu’il était guéri. J’ai enregistré son numéro de téléphone avant de le laisser partir. Il m’a quitté en disant : « Je vais à Fm Liberté voir s’ils peuvent m’accorder le micro pour parler ». Sur ces mots nous nous sommes séparés.
J’étais tellement sous le choc que je n’ai pas pu faire une analyse sur la situation pour écrire un article avec plus de détails…
Affaire à suivre…
Deuhb Emmanuel Zyzou est journaliste/Blogueur Tchadien. Amoureux des
technologies de l’information, très jeune il en a fait son combat. De blogueur à journaliste multimédia en passant par le web-activisme, Deuhb s’y investit avec passion. Sa maîtrise parfaite du digital l’a conduit à mener de nombreux projets dans son pays et à l’international. Expert formateur sur des questions du digital, Deuhb a formé de nombreux journalistes, des défenseurs des droits humains en Afrique et des jeunes. Ces dernières années, il s’est engagé dans la vérification des faits en ligne et a formé de nombreux journalistes Tchadiens sur le Fact-Checking. Ses travaux et recherches sur la désinformation concerne en partie le vent de la désinformation qui souffle dans le Sahel avec une fenêtre ouverte sur le Tchad. Très actif sur des questions de société dans son pays, Deuh’b commente l’actualité politique, sociale, culturelle et sportive au Tchad.