Par André SHAMBA.
Ils ont nourrit les menus informationnels de médias internationaux pendant beaucoup de jours.
Les activistes Sénégalais et Burkinabè, membres des mouvements « Y’en a marre » et « Balai citoyen », avaient été arrêtés le dimanche 15 mars à Kinshasa la capitale de la République Démocratique du Congo (RDC). Ils ont été libérés, expulsés et déclarés personae non gratae en territoire congolais, par les autorités du pays, le mercredi 18 mars 2015.
C’est à l’invitation de leurs homologues congolais du mouvement citoyen « Filimbi » (Sifflet, en langue Swahili) que ces militants pro-démocratie s’étaientrendus en RDC pour un atelier d’échange d’expériences sur l’engagement citoyens de jeunes dans le processus électoral et la recherche de la démocratie.Mais aussi pour un renforcement des capacités stratégiques des jeunes activistes congolais, afin de parvenir à empêcher le président congolais, Joseph Kabila de briguer le troisième mandat au delà de la limite constitutionnelle et contre la volonté de la majorité des congolais, explique le porte parole de « Y’en a marre ».
Arrêtés avec d’autres jeunes congolais, dont nombre d’entre eux restent en détention jusqu’en ce moment, les activistes Sénégalais et Burkinabè sont accuséspar les autorités congolaises, d’être allé à Kinshasa pour « Organiser des bandes de jeunes pour leur demander de faire mieux que le 19 et 21 janvier où nous avons perdu 27 personnes, comme si c’était quelque chose dont il faut se vanter, de faire comme au Burkina. Nous n’avons pas l’intention de voir notre palais du Peuple être incendié. Au Burkina, que les Burkinabè s’expriment. Ils sont Sénégalais, c’est bien qu’ils s’expriment au Sénégal. Mais venir faire de la politique en RDC, ça vraiment c’est interdit par notre législation et nous ne pouvons pas accepter qu’ils viennent intoxiquer nos jeunes », déclarait à la Rfi,Lambert Mende Omalanga, ministre de la communication et porte parole du gouvernement de la République Démocratique du Congo.
Un vent nouveau souffle sur le continent africain
Né en 2011 au Sénégal pour s’opposer au troisième mandat d’Abdoulaye Wade, président de la République en ce temps là, et après l’avoir affaiblipolitiquement avec comme conséquence son échec au deuxième tour de l’élection présidentielle de mars 2012, le mouvement citoyen « Y’en a marre » s’esttaillé une part de considération et est devenu, ainsi, une référence sur le continent. Les meneurs de ce mouvement jouissent d’un grand respect auprès de leurs compatriotes. Ils sont admirés et suscitent par le fait même de l’émulation auprès de jeunes des pays caractérisés par des régimes politiques moinsdémocratiques et caporalistes, ayant des dirigeants désireux de s’éterniser au pouvoir notamment, en Afrique francophone. Ils sont aussi considérés commeune source d’inspiration pour d’autres jeunes à la quête d’un changement positif de la gouvernance dans leurs pays. Désormais, les fondateurs et animateurs de « Y’en a marre » reçoivent, à leur siège à Dakar, des jeunes activistes d’autres pays, qui viennent puiser dans leur expérience pour arriver à consolider leurs stratégies dans le but de faire bouger positive les choses dans leurs Etats. Ces activistes voyagent aux quatre coins du continent, prêchant leur« évangile » de la création d’une autre Afrique qu’il rêve : celle qui aura pour base la pleine et vraie démocratie, s’enracinant sur la justice sociale et consolidant le rapprochement des peuples africains.
Le deuxième mouvement, c’est le « Balai citoyen ». Il a vu le jour au Burkina Faso en 2014, afin d’empêcher la modification de la constitution qui allaitpermettre à Blaise Compaoré, alors président de la République, de briguer un troisième mandat contre la volonté du peuple Burkinabé. Organisant des manifestations populaires-citoyennes, le Balai citoyen à réussi à mobiliser la majorité des Burkinabè jusqu’à la chute et la fuite de Blaise Compaoré le 31octobre 2014. Désormais, c’est un vent nouveau qui souffle sur l’Afrique francophone.
S’affirmant comme des modèles et la preuve tangible de la puissance d’un peuple face aux régimes politiques caporalistes, dictatoriaux teintés de la mal–gouvernance, « Y’en a marre » et « Balai citoyen » ont transmis du courage et de la détermination aux jeunes des pays où les autorités sont tentés par les velléités de modifier les constitutions de leurs pays, dans le but de s’éterniser au pouvoir (au delà des limites constitutionnelles de leurs mandants), de se battre pour barrer la route à ces projets moins bénéfiques pour ces Etats.
L’essor d’un panafricanisme
Les meneurs de ces différents mouvements se fréquentent, échangent des idées, des expériences et des stratégies pour arriver à leur but. Ils s’appellent frères et se soutiennent dans leur lutte commune malgré dans différents pays. Ils croient qu’étant unis, ils parviendront à changer positivement l’Afrique, se basant sur l’adage « l’union fait la force ». «Ce n’est plus l’affaire d’un peuple seul pour son pays. Maintenant, nous allons, désormais, nous soutenir mutuellement. Nous irons partout en Afrique pour appuyer nos frères dans leur lutte», explique le rappeur Simon, l’un des fondeurs de « Y’en a marre ».
Ces différents mouvements citoyens puisent aussi dans la mythologie révolutionnaire africaine. Et leurs leaders se placent en défenseurs du panafricanisme, fustigeant sans ménagement l’hégémonie occidentale. Ils se réclament, par conviction, héritiers de figures vénérées de la révolution africaine notamment, Thomas SANKARA et Patrice Emery LUMUMBA.
« Un de nos objectifs est de lancer une union africaine des peuples, qui représenterait vraiment les Africains, pas comme l’UA (Union Africaine) actuelle qui est une institution déconnectée des gens », déclare Thiat, cofondateur de « Y ‘en a marre ».
Des points communs de ces mouvements citoyens
De prime à bord, la dénomination de chacun de ces mouvements reflète leur défiance ouverte vis-à-vis des régimes politiques et pouvoirs en place dans leurs pays respectifs.
– « Y’en a marre » au Sénégal, (l’on est fatigué de toi et de ton régime. Par conséquent, dégage !)
– « Balai Citoyen » au Burkina Faso, (le peuple désireux de nettoyer l’espace gouvernemental de son pays en jetant à la poubelle la mauvaise gouvernance et leurs auteurs-gouvernants).
– « Filimbi » (Sifflet, en langue Swahili) en RDC, (le peuple siffle la fin d’un pouvoir caporaliste,
dictatorial et promoteur de la paupérisation continue de sa population déjà misérable – la fin en même–temps du règne des dirigeants dudit pouvoir).
– « Ça suffit comme ça » au Gabon, (c’est depuis longtemps que nous attendons le changement positif dans la gestion de la République. Mais rien ne bougemalgré les bons discours pleins de bonnes intentions. Alors, il est temps que le régime et son maître s’en aillent).
Cette tentative subjective d’expliquer brièvement chacune des dénominations de ces mouvements citoyens veut juste planter le décor des diverses significations que toute personne pourrait donner à celles-ci, au delà des significations premières que leurs auteurs détiennent.
Ces mouvements sont tous nés dans les pays où les conditions sociales et politiques ne sont pas « potables».
Tous ces mouvements ont un mode exceptionnel de recrutement de leurs membres. Pas besoin de remplir une fiche ou un formulaire d’adhésion pour faire partie desdits mouvements. Mais plutôt, toute personne qui se retrouve dans les revendications des leaders est par le fait même dans les mouvements, et se joint à eux. Contrairement à d’autres associations de la société civile africaine, ces mouvements citoyens ne sont pas structurés et n’ont pas instauré une cotisation mensuelle de leurs membres respectifs. Néanmoins, leurs animateurs savent mobiliser autrement les fonds pour organiser des activités. Ils reçoivent d’ailleurs le soutient des donateurs. C’est par exemple le récent atelier organisé à Kinshasa (qui a été à la base des récentes arrestations), qui avait été financé en grande partie par l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique via le programme américain de développement, USAID en RDC, selon lecommuniqué de cette Ambassade, publié le 16 mars sur son site internet officiel.
Les membres ou adhérents de ces mouvements sont généralement des jeunes ou ceux qui se considèrent comme tel : ont y trouve même des adolescents ou des mineurs (moins de 18 ans). Leurs meneurs ont l’âge entre 30 ans et le début de la quarantaine. Nombre d’entre eux ont des diplômes universitaires, mariés et responsables des familles. Ils sont rappeurs connus dans leurs pays ; avocat, comme l’un des leaders du « Balai citoyen ». Déjà connus avant dans leurs pays respectifs de part leurs activités musicales, ces activistes-meneurs utilisent l’espace-concert pour prêcher leur vision d’une nouvelle Afrique. Il y’en a parmi eux qui sont connus à l’international. C’est le cas de Fou Malade de « Y’en a marre », qui anime des conférences débats dans différentes Universités sur la musique « rap et l’engagement citoyen ». Fort de leur notoriété, le président américain Barack Obama avait sollicité de rencontrer les leaders de « Y’en a marre », lors de sa visite à l’île de Gorée au Sénégal en juin 2013.
Jusqu’où iront ces mouvements?
Ils ont un long avenir, ces mouvements citoyens qui font parler d’eux, non seulement en l’Afrique francophone où ils ont vu le jour, mais aussi dans le reste du continent. Leurs meneurs continuent d’inspirer les jeunes dans tous les pays où les pouvoirs politiques sont confisqués par des régimes dictatoriaux et peu soucieux de leurs peuples.
Les arrestations de ces leaders à Kinshasa en République Démocratique du Congo, ont été pour ainsi dire une grande publicité pour la promotion de ces mouvements. Ils sont actuellement connus non seulement en Afrique, mais aussi dans le monde. Ils reçoivent désormais et ouvertement l’appui et le soutien internationaux : les déclarations récentes des Etats-Unis d’Amérique, de la France, de la Belgique, de l’Union européenne, des Nations-Unies et des organisations internationales de défenses des droits de l’homme appelant le pouvoir de Kinshasa au respect de la liberté d’expression de la jeunesse et à la libération des activistes arrêtés, en disent long. « Ces mouvements vont continuer et s’étendre sur le continent africain… », a déclaré Michaelle Jean, secrétaire générale de l’Organisation international de la francophonie (OIF), le dimanche 22 mars dernier, dans l’émission « Internationales » de Rfi, TV5 monde et le Monde.
L’efficacité et la longévité de ces mouvements s’enracinent aussi dans la capacité de ses meneurs de rester loin des pouvoirs politiques. Cette hypothèse se confirme jusque là, au regard de la réponse négative des leaders de « Y’en a marre » à la main tendue de Macky Sall après son élection comme président de la République Sénégal en 2012. De même pour les meneurs du « Balai citoyen » qui ont décliné l’offre de participer au gouvernement de transition au Burkina Faso après la fuite de Blaise Compaoré. Ils disent vouloir rester en dehors des pouvoirs politiques pour jouer leur rôle des « Sentinelles » de la démocratie et de la bonne gouvernance.
Est-ce que, cet élan sera maintenu dans les jours, les semaines, les mois et même les années à venir ? L’espoir reste permis!