Entre le 2 et le 4 octobre, trois reporters du Bon Buzz ont assisté à la conférence Agriculture, Pastoralisme et Aires Protégées : tensions et solutions pour l’avenir des territoires ruraux en Afrique Centrale et au Sahel à l’hôtel L’Amitié de N’Djamena. Suite à cette conférence, ils ont écrit un blog.
Les aires protégées au Tchad ont connu une dégradation assez considérable ces dernières décennies. Que ce soit le parc national de Zakouma, de Manda et autres aires protégées, ces derniers sont exposés à divers problèmes, notamment l’incursion des bétails par les éleveurs dans les parcs à la recherche de pâturage.
Le changement climatique et la démographie galopante, que ce soit de la population humaine ou animale, ne jouent pas en faveur des conservateurs des aires protégées. Cette démographie a remis en cause l’exploitation traditionnelle de ces aires protégées, notamment la dégradation des ressources naturelles. Pendant que les acteurs de conservation cherchent à élargir la gestion de la conservation afin d’atteindre les objectifs de biodiversité, ils sont confrontés à la dévastation des aires protégées par les transhumants à la recherche de pâturage pour leur bétail. Cette « incursion » est occasionnée par le changement climatique et le manque de pâturage en dehors des espaces des aires protégées.
Les pasteurs ou éleveurs sont un groupe de personnes qui ont pour activité principale l’élevage. Dans la pratique de leur activité, ils sont appelés à effectuer des mouvements à la recherche de l’eau et du pâturage. Selon Chérif Hamit Zagalo, secrétaire des organisations des producteurs à la plateforme pastorale du Tchad, « ces pasteurs sont classés en trois catégories : des nomades, des semi-nomades et des sédentaires. » Les éleveurs nomades sont des personnes qui voyagent d’un endroit à un autre, la migration d’une région à une autre, le plus souvent pour échapper aux conditions climatiques. Des pasteurs semi-nomades sont ceux qui effectuent des migrations saisonnières en avant et en arrière avec leurs troupeaux entre deux zones spécifiques. Enfin, les éleveurs sédentaires sont beaucoup plus au sud du pays là où le pâturage est accessible.
Avec le changement climatique et la démographie galopante, il y’a une réduction des espaces avec l’augmentation du nombre de cheptels. Avec une estimation de 140 millions de têtes, des transhumants sont obligés d’aller dans des aires protégées pour se procurer de la nourriture à leurs bétails. Ce grand nombre demande de ressources naturelles et avec le changement climatique, les gens sont confrontés à une raréfaction des ressources naturelles donc ces transhumants sont obligés d’aller chercher là où se trouvent ces ressources naturelles.
C’est ainsi que dans des zones qui sont généralement dépourvues de pâturage, les éleveurs ont un œil sur les parcs qui ont de pâturage. « Les zones de conservation sont des zones protégées, tout ce qui circule dans le parc est contrôlé et ça favorise le développement des fourrages et des pâturages que les éleveurs en ont besoin. Parce qu’il en manque ailleurs, ils doivent aller absolument dans ces zones pour chercher ce pâturage, » explique Chérif Hamit Zagalo.
La coexistence des activités humaines et des dispositifs de conservation
Agger Kasper, responsable de la communauté locale à Wildlife Conservation Society (WCS), d’évoquer que les difficultés des éleveurs à l’extérieur des parcs, notamment l’espace de pâturage très limité à cause des activités agricoles qui poussent ces éleveurs à entrer dans les aires protégées sinon « en principe c’est interdit au Tchad, » dit-il.
D’autre part, ils ont d’autres motivations. Selon Chérif Hamit Zagalo de la plateforme pastorale du Tchad, les éleveurs ont besoin de deux éléments essentiels, les herbes et l’eau. Donc « il faut que les deux soit trouvés dans un même endroit pour leur permettre d’exploiter l’espace. Il y’a des zones où il y’a de pâturage, mais ils ne peuvent pas les exploiter c’est pour cela qu’ils vont aller souvent là où y’a les deux besoins. Et souvent c’est dans les zones de conservation. Certains éleveurs en l’absence de ces deux ressources, sont obligés de rentrer dans les aires protégées, » précise-t-il.
Mais, à la recherche de ces deux besoins, ils sont confrontés aussi aux conservateurs des aires protégées qui les interdisent l’accès aux parcs. Le manque d’information sur la protection des aires protégées est à déplorer à ce niveau. A l’ère où le changement climatique est imprévisible, tous les secteurs sont appelés à collaborer et à s’adapter, estime Chérif Hamit Zagalo. « Si vraiment les éleveurs ne vont pas aller dans les aires protégées, on est en train d’aller vers un sens contre nature. Et je pense que c’est l’une des difficultés, c’est un défi. Si on dit aussi aux conservateurs de ne plus laisser les éleveurs pénétrer dans les parcs, c’est aussi un autre défi, » déplore le secrétaire des organisations des producteurs à la plateforme pastorale du Tchad.
Sur la question de la sensibilisation, Agger Kasper, responsable de la communauté locale à Wildlife Conservation Society (WCS) d’ajouter que certaines plateformes pastorales du Tchad connaissent l’existence des lois qui interdisent l’occupation des aires protégées. Pour lui, des représentants des éleveurs et les représentants de son institution travaillent ensemble pour sensibiliser les groupes avant l’entrée dans les parcs et pour informer les transhumants. « Mais quand il y a les inondations, des exceptions sont faites aux transhumants. Il y’a des possibilités en période limitée pour traverser les parcs. Il y’a une flexibilité avec tous les acteurs, » reconnaît-il.
Et la solution ?
Pour tenter de résoudre cette situation, Chérif Hamit Zagalo de la plateforme pastorale du Tchad, de dire qu’il faut aller vers un juste milieu, il faut la communication. « L’encadrement est très nécessaire donc s’il faut un refus catégorique, ce n’est pas la solution parce que ça peut amener aux tensions, des incursions, des affrontements et tout ça va à l’encontre des deux secteurs donc c’est de s’adapter et de voir comment ensemble, » préconise-t-il.
Pour maintenir un équilibre, la communication est primordiale. Il faut une coordination et une concertation de gestion des ressources naturelles commune. Les sensibilisations se font mais dans le sens de refus donc ce n’est pas ça qui va aller vers la solution définitive. Il faut peut-être préconiser la gestion concertée, les visions communes. Il est aussi nécessaire de conduire les micros sondages au niveau local pour une bonne coordination.