Tout comme le hip-hop, le reggae est arrivé dans le paysage tchadien vers les années 1980. Les défunts tels que Jah le Rouge, Popaul se sont fait un nom à N’Djamena avec cette tendance. Au fil de temps, une nouvelle génération d’artistes ayant pour vocation le reggae voit le jour. Comme le feu de paille, très vite, cette génération s’essouffle; cette tendance tend à disparaître peu à peu.
C’est dans les années 1960 que l’ascension du reggae s’est affirmée avec le mouvement de résistance contre l’impérialisme. Le reggae, musique contestataire et combattante, née à Kingston, en Jamaïque, a ainsi conquis le monde et a acquis un caractère emblématique rastafari, mais sa nature fondamentale reste méconnue, non seulement au Tchad, mais un peu partout dans le monde. Le reggae va de pair avec le rastafarisme, un noyau de résistance spirituelle prônant le retour vers une identité africaine, qui a été un facteur déterminant pour la musique. Toutefois, au début de la décolonisation, dans les années 1960, il s’est développé dans les ghettos de Kingston en s’inspirant des rythmes poignants de la musique africaine et afro-cubaine.
Contrairement au hip-Hop qui s’est longtemps imposé et le slam qui fait son chemin au Tchad ces dernières années, avec lesquels on voit clairement l’engouement des jeunes tchadiens, le reggae, ayant à la souche une histoire si riche se perd peu à peu dans notre pays laissant ainsi ses valeurs intrinsèques, puisque le mouvement se nourrit de combat. Et tout ceci au moment où le Tchad en a le plus besoin avec la crise sociale généralisée que vit le Tchad. Il n’y a presque pas d’engouement autour de cette tendance. Mais pourquoi? “Il est vrai que le reggae est en baisse en ce moment, mais les causes sont multiples. Il y’a des préjugés en ce qui concerne les reggaemans à cause des cheveux ‘’bizarres’’ qu’ils portent. Au Tchad, on assimile tous ceux qui portent des locks à des drogués, à des fous. Dans tout ceci le tchadien est ce qu’il est… Mais que dire de plus ?” justifie le reggaeman tchadien Guevara Radjil Fall, par ailleurs directeur artistique du festival Afro’on sur N’Djam, le tout premier évènement de reggae qui s’est déroulé en mai 2018 dans la capitale tchadienne. La censure est le commun des mortels au Tchad quand il s’agit de la liberté d’expression, et le reggae n’y échappe pas à cette règle à cause de la virulence des textes. Les stations radios ne jouent pas les musiques engagées, notamment la radio nationale. Cette censure à entraîné l’autocensure des artistes eux-mêmes qui, obligés de vivre de leur art changent de fusils d’épaule.
En dépit de tout ceci, il faut rappeler que le reggae est une musique contestataire, sa naissance au Tchad s’est coïncidée avec l’arrivée du régime répressive du président Habré à cette époque. Une époque où l’on n’a pas droit à la parole. Le climat de terreur qui s’imposait à cette période ne permettait pas au reggae de grandir. “Mais il y a aussi un facteur non négligeable qui est la langue. Les textes de la musique reggae sont à 95% en anglais, or le Tchad est francophone, difficile pour cette tendance de s’imposer”, lance Guevara.
A ce jour, il y’a très peu de reggaemans dans la sphère musicale au Tchad. Le seul qui joue, quelques rares fois en ce moment au Tchad est Placid Ayrée. Pour Placid, le reggae est un souffle de vie. L’homme se noie pleinement, spirituellement dans le reggae, ayant même eu un baptême du mouvement rastafari au Ghana d’où le nom Irie, très mal prononcé au Tchad donc il le simplifie “Ayrée”.
A “Irie”, s’ajoute des artistes comme Guevara Radjil Fall, Num Zion, Jah Love, Sammy et les frères Palmio, Aimée et Ndem. Sans oublier Achille Balda, actuellement aux Etats-Unis, connu à ses débuts du nom d’Achille Alpha (en honneur d’Alpha Blondy), très connu et présent sur la scène musicale au Tchad pendant longtemps. A part ceux-ci, il y’a aussi quelques artistes qui flirtent avec le reggae, comme Omarson Jérusalem qui navigue entre le reggae et le rap, Did’s Mtato entre le reggae et les autres tendances…
Le festival Afro’on sur N’Djam est à ce jour le seul festival qui prône l’avancée du reggae, c’est-à-dire au-delà de la journée du 11 mai qui commémore la mort de l’icône du reggae Bob Marley. Le reggae, s’il faut le rappeler est plus qu’une musique, mais plutôt un état d’esprit, une mode de vie profondément opposé à la violence.
Informaticien de formation à HEC TCHAD, il a été infographiste puis chargé de l’édition aux Editions Sao (une maison d’édition de livre) pendant 5 ans (jusqu’à 2015). Activiste bloggeur. Jeune ambassadeur de UNFPA Chad. Membre à Youth Council (US Embassy Chad). Chargé des affaires culturelles à l’association Tchad Plus, qui l’ont conduit à effectuer quelques voyages en Tunisie, en Indonésie, au Sénégal. Très touché par les questions liées aux droits humains, il a tout laissé pour se consacrer aux études de droit en 2015 (faculté des sciences juridiques et politiques de l’université de N’djamena).