Photo : Malal Talla, Didier Lalaye et Mirjam de Bruijn ouvrent le festival
Le public présent à l’ouverture du Guédiawaye HipHop le matin a donné le ton pour les jours à venir : un public extrêmement varié s’est réuni pour décrypter la “radicalisation” dans la région du Sahel : que signifie la radicalisation dans nos différentes sociétés ? Quels sont les défis auxquels nos sociétés sont confrontées ? Quelles sont nos responsabilités en tant que citoyens et comment pouvons-nous contribuer à un changement positif (radical) et offrir des alternatives à la violence ?
Photo : Un nombre important de jeunes de Guédiawaye était présent au coup d’envoi du festival
Après les mots de bienvenue et une autre activité fédératrice consistant à chanter l’hymne national sénégalais, le festival a pris son véritable envol avec plusieurs groupes qui ont commencé leurs ateliers de DJ-ing, de photographie et de slam. Avec l’objectif d'”écrire le quartier”, de petits groupes de jeunes ont participé à l’exercice pour décrire leur quartier – ses réalités, ses défis et ses opportunités – à travers ces différentes formes créatives. Les résultats de ces différents ateliers seront bientôt partagés sur notre site web également.
Dans l’après-midi, nous nous sommes réunis au musée Théodore Monod / IFAN pour l’ouverture officielle du festival avec une table ronde intitulée ”responsabilités des sociétés africaines face à la radicalisation”. Un large panel composé de chercheurs, d’artistes et de militants, Selly Bâ, Boukary Sangare, Fadel Barro, Nadio Kaina, Mouhamed Barro et Malal Talla (Fou Malade), a apporté son éclairage sur la question dans une discussion modérée par le Dr Massamba Guèye (Université Cheikh Anta Diop, Dakar).
Il semble y avoir un accord sur le fait qu’une réponse répressive et militaire à la radicalisation ne suffit pas à elle seule à apporter un changement durable et positif à nos sociétés
Mais comment pouvons-nous réagir de manière durable et positive ? Ou comme l’a dit Fadel Barro, initiateur et coordinateur du mouvement Y’en a marre : “nous devons créer un nouvel imaginaire pour l’Afrique […] afin que les gens construisent radicalement leurs sociétés, plutôt que de les déconstruire” Nadio Kaina, président du mouvement citoyen IYINA au Tchad, a souligné la nécessité d’investir dans la jeunesse, car les jeunes des banlieues comme Guédiawaye et Pikine semblent être les plus vulnérables à la radicalisation. Cet investissement devrait, selon Malal Talla, fournir des emplois aux jeunes ; des alternatives à la radicalisation négative.
Après la table ronde, il était temps de présenter le livre à l’ambassadeur néerlandais Theo Peters. Le livre “Deciphering radicalisation in the Sahel” est un recueil de douze chapitres rédigés par différents auteurs ayant une expérience de la recherche sur la radicalisation au Sahel. Mirjam de Bruijn et Eefje Gilbert, le livre vise à décrypter le concept de “radicalisation” qui, en particulier dans les milieux politiques internationaux, est souvent assimilé à l’extrémisme, à la violence et au djihadisme. À travers douze itinéraires de (dé)radicalisation dans le passé et le présent, dans divers pays du Sahel ainsi qu’aux Pays-Bas, ce livre prouve que la radicalisation prend de nombreuses formes différentes ; l’accent mis sur des cas passés de radicalisation nous aide également à comprendre que la radicalisation peut aussi conduire à un changement sociétal durable. Le livre est en cours d’élaboration ; la version finale comprendra les informations recueillies pendant le festival.
Photo, de gauche à droite : Theo Peters (ambassadeur des Pays-Bas) et le panéliste Malal Talla, le modérateur Dr Massamba Guèye, et les panélistes Dr Boukary Sangare et Dr Selly Bâ.
Maître Soumy, artiste rap du Mali, nous a rappelé que nous pourrions vouloir considérer la musique comme un moyen de discuter des problèmes de société avec les jeunes : ”Le rap a du pouvoir au Mali, c’est la musique la plus écoutée” Il a suivi son propre raisonnement et nous a offert une brève performance. Croquemort (artiste slam du Tchad), soutenu par Amee (artiste slam de Côte d’Ivoire), a suivi son exemple avec une performance de ses “cieux ont brulé” (l’humanité en feu).
Photo : Croquemort et Amee présentent ”les cieux ont brulé” à l’IFAN
Pour laisser s’installer la quantité d’informations reçues des différents panélistes et artistes, une boisson rafraîchissante et une collation ont été offertes, après quoi le programme s’est poursuivi avec deux projections de films : La haine des autres”, un film de Bokal sur Boko Haram, et “Sans espoir”, un film de Sjoerd Sijsma en collaboration avec des chercheurs de l’équipe de recherche “Connecting in Times of Duress”. Pour ceux dont les sens n’ont pas été suffisamment sollicités, un micro ouvert a été organisé au Guédiawaye HipHop.